Nos
aînés dans la foi et quelques figures historiques locales.
Saint Goal
L'arrivée
de l'hermite Goal (comme celle de saint Cado) en Armorique s'inscrit
dans un grand mouvement d'émigration des bretons de Grande Bretagne
(du IVème au VIIème siècle). En Armorique, les
bretons ne constituent pas un corps étranger mais la résurgence
de la civilisation celtique pré-romaine. Citoyens romains, les
bretons de l'île de Bretagne ont toujours entretenu des rapports
étroits avec les populations armoricaines celtiques. La Manche
était le centre d'une même civilisation ; Tacite écrivait
à leur sujet : "proximi galli et simili sunt".
Les
mouvements migratoires de Bretagne en Armorique sont dûs en partie
à la poussée des barbares germaniques en en Armorique :
excellents combattants, les bretons étaient appelés à
défendre les cités menacées des Vénètes
et des Ossismes (Pays de Léon actuel). La première migration
est essentiellement le fait d'hommes seuls, combattants (ce qu'illustrent
les légendes rapportant les quêtes féminines), ou
religieux, qui organisent le pays.
A
partir du Vème siècle, après la chute de l'empire
romain d'occident, le mouvement migratoire s'accroît en raison
des avancées jutes et saxonnes en Grande Bretagne.
Venant
de Grande Bretagne (peut-être du Pays de Galles) Goal s'installa
sur l'île qui porte désormais son nom vers l'an 630 (d'autres
sources évoquent plutôt le IVème siècle).
La tradition rapporte qu'il fut élevé à l'épiscopat,
mais qu'il se retira là pour vivre en ermite. La ria d'Etel était
une voie de pénétration dans un pays entièrement
recouvert de forêt. Il se retira ensuite dans la forêt près
de Camors pour y vivre pleinement son érémitisme à
l'écart de ceux que sa sainteté attirait. Il y fonda un
petit monastère (aujourd'hui Locoal-Camors) et y mourut paisiblement.
Une légende le confond avec Gudwal, le successeur de saint Malo
sur le siège épiscopal d'Aleth et dont les reliques sont
vénérées à Gant en Belqique.
Le
nom Goal (Gutuual en vieux breton) est formé de deux mots :
"Uoed" qui signifie cri de guerre, et "uual" qui
signifie valeureux (éthymologie empruntée au Dictionnaire
des Saints Bretons, préfacé par P.J. Helias, éditions
Sand 1985). Parmi les variantes : Guidual, Gudgual, Judualus (latin),
Guitwal, Gudwal, Oual, Owal, et même Conval (chapelle à
Loctudy)...
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Eglise
de Locoal : vitrail de saint Goal (1937)
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A
Landaul et autour de Locoal-Mendon, il était invoqué contre
la sécheresse.
Son
culte est répandu surtout en Bretagne sud, autour de Locoal :
Ploemel (village de Kergal - Kergoal), ainsi qu'aux alentours de Camors
et pluvigner. Plus loin, son culte est célébré
dans le diocèse de Cornouaille, autour de Quimperlé (Guilligomarc'h,
Clohars-Carnoët) et de L'Ile Tudy.
A
Locoal, une plaque de bronze fut placée en 1968 par l'abbé
Herrieù à l'endroit où fut redécouvert son
tombeau. Elle porte l'inscription suivante :
« 590-640 :
tombe de saint Goal. Gudwal, menah Breiz ».
(Moine de Bretagne)
Sa
fête est traditionnellement fixée au 2 février,
mais à Locoal, le pardon est célébré habituellement
le deuxième dimanche de juillet.
Saint
Cado
Le
nom celtique de cado vient de Kad qui signifie combat. Originaire du
pays de Galles, Cado s'est installé au VIème siècle
sur une île de la ria d'Etel près de Belz.
Il
est invoqué contre la surdité, mais aussi contre les morsures
de serpents. Il jouit d'une grande réputation de sainteté
dans toute la Bretagne, comme l'atteste cette maxime :
"Er
baradouiz hag ar en douar, sant Kado n'en des ket é bar"
(Au paradis comme sur terre, St Cado n'a pas son pareil)
L'île
de Saint-Cado à Belz
Saint
Cado est aussi honoré à Mendon au village du Menec (Les
Ménèques) en la chapelle Saint-Pol - Saint-Cado (fin XVIIIème
siècle).
La
chapelle Saint-Pol - Saint-Cado du Menec
Sainte-Brigitte
(Berhed)
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La
statue de sainte Brigitte du Plec
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La
Chapelle du Plec
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Au
Plec, près de la ria, se trouve une chapelle dédiée
à Saint-Brigitte. Il semble qu'il s'agisse moins ici originellement,
bien que la statuaire comme le cantique breton le laissent supposer,
de sainte Brigitte de Suède mais plutôt de la fondatrice
du monastère de Kildare en Irlande au VIème siècle,
surnommée "la Marie des gaëls", seconde patronne
de l'Irlande. Il s'agit d'un phénomène classique en bretagne
de transfert de dédicataire entre un saint régional et
un saint mieux connu à Rome (les saints Ronan devenus saint René
sont légion). Il est donc très probable qu'un tel transfert
s'observe ici, de Berhed à Brigitte de Suède, toutes deux
étant honorées conjointement aujourd'hui.
La
statue de Sainte Brigitte de Locoal
La
sainte abbesse de Kildare doit aussi sa grande popularité au
fait que la tradition chrétienne gaellique a fait de son culte
la perpétuation de celui d'une autre Brigit (ou Berhed en breton),
divinité féminine par excellence, la fille du dieu Dagda,
le dieu bon, et la mère adultère du jeune dieu Oengus
qui lui prit sa résidence, le Brug na Boinne (site correspondant
au tumulus de Newgrange) prêté imprudemment pour une nuit
et un jour. Cette divinité a été assimilée
à la Minerve romaine par César. L'un de ses surnoms est
"Belissama", la plus belle, la plus brillante.
(d'après
Venceslas Kruta, Les celtes, histoire et dictionnaire, éditions
Robert Laffont 2000)
Après
les saints qu'il convient de vénérer, des personnages
importants ayant laissé un souvenir encore vivant de leur passage
à Locoal et Mendon. deux chouans et deux défenseurs de
la langue et de la culture bretonne. Il ne s'agit ici nullement d'une
apologie, mais d'un témoignage historique.
Georges
Cadoudal
Consulter
la chronologie de l'histoire religieuse française sous la période
révolutionnaire
(Cliquer sur l'image ci-dessous)
Un
enfant du pays acquis aux idées nouvelles
Georges
Cadoudal est né à Kerléano (Auray) en 1771. Fils
de paysans prospères, il fit ses études au collège
Saint-Yves de Vannes et devint clerc de Me Glain, de Sainte-Avoye, notaire
à Auray. Instruit, lettré, Georges Cadoudal avait accueilli
la Révolution avec enthousiasme comme beaucoup de bretons. Mais
les dérives anti-religieuses (réorganisation des structures
de l'Eglise de France, puis déchristianisation à partir
de 1793) et les excès des républicains l'amenèrent
à prendre les armes contre le nouveau régime pour défendre
les libertés du peuple. Ayant participé à des actions
violentes contre le nouveau régime à Auray, son
oncle Louis Cadoudal fut emprisonné
à cause de lui. Pour le libérer, Georges Cadoudal dut
signer un engagement dans les troupes républicaines, mais ne
se présenta pas à leurs côtés lorsqu'il fut
question de partir combattre en Vendée. En parcourant le pays
à la recherche de jeunes combattants, il rencontra Hermely à
Locmariaquer. Ce dernier s'était emparé à l'aide
d'une petite troupe d'un petit galion d'Etat bien armé qui s'avéra
fort utile à l'armée chouanne de Cadoudal.
Georges
Cadoudal et la chouannerie bretonne
La
chouannerie bretonne procède essentiellement d'une réaction
anti-révolutionnaire, spontanée, non idéologique,
nourrie de désillusions économico - politiques puis
religieuses après l'espoir que firent naître les premières
réformes de 1789.
La
Bretagne perdit ses privilèges. La société paysanne
n'avait que très peu bénéficié des réformes
et avait même souffert de certains changements. La Bretagne comme
le Poitou étaient des pays où la plupart des paysans ne
tenaient leurs terres que de manière précaire (location,
domaine congéable, métayage). L'abolition des droits seigneuriaux
n'eut aucun effet sur ce régime, et l'abolition des dîmes
au bénéfice du propriétaire fit que celle-ci s'ajouta
au loyer. Elle a mal vécu l'arrivée au pouvoir de la bourgeoisie
urbaine et fortunée qui triompha à partir de Thermidor
(1794).
La
réorganisation religieuse à partir de 1790, bien que calquée
sur celle mise en place 20 ans auparavant dans les Etats de la maison
d'Autriche (le "joséphisme"), fut mal acceptée
car elle chamboulait trop les schémas traditionnels et émaneait
d'un pouvoir central lointain considéré comme peu légitime.
Ce fut surtout l'exigence faite au clergé devenu fonctionnaire,
comme à tout fonctionnaire d'Etat, d'un serment de loyauté
(Constitution Civile du Clergé) qui provoqua une réaction
hostile au sein du clergé soutenu par une grande partie de la
population paysanne.
Les
paysans se regroupèrent, portèrent des pétitions
aux autorités (5 février 1791, 2 à 300 paysans
se rendirent au directoire du district d'Auray). Des échauffourées
éclataient régulièrement, toujours matées
par la Garde Nationale basée notamment à Lorient, constituée
de jeunes aventuriers zélés, étrangers pour beaucoup
à la société rurale, voire à la Bretagne
elle-même.
A
côté de cette hostilité paysanne anti-révolutionnaire,
la noblesse restée sur place organisa un mouvement contre-révolutionnaire
plus politique destiné à rétablir le pouvoir royal,
les privilèges des ordres, des provinces, des corporations, de
l'Eglise. en attendant l'armée des Princes (complot de la Rouerie).
La
conscription ("levée de volontaires" tirés au
sort, sauf parmi les "patriotes") de 1793 pour défendre
les frontières françaises déclancha une grande
insurrection dans les campagnes du Poitou (Vendée) et de Bretagne
notamment. Si en Poitou, l'insurrection s'organisa en armée avec
l'encadrement d'une partie des nobles et officiers, elle resta en Bretagne
une jacquerie vite matée par la Garde Nationale épaulée
par les troupes régulières.
La
chouannerie fut cette guérilla bretonne peu organisée
qui s'intensifia néanmoins à partir de 1794 par la rencontre,
suivant l'exemple vendéen, de la jacquerie des paysans et du
complot contre-révolutionnaire des nobles, chacun défendant
aussi des intérêts antagonistes. Pas d'armée, peu
de combattants, peu d'encadrement, un soutien irrégulier des
populations ; voila les caractéristiques de la chouannerie. Elle
fut plus intense dans le sud et l'est de la Bretagne.
Le cachet de Cadoudal
La
première chouannerie (hiver 1793-94 - 1795)
Elle
fut le fait des meneurs des événements de 93 et de quelques
réfugiés de la Vendée, regroupés en petites
troupes autour d'un chef local (Boisguy dans le pays de Fougères,
Guillemot à Bignan-Locminé, Cadoudal autour d'Auray).
Elle se développa assez peu en raison de la terreur imposée
par les autorités. Ces groupes se fédérèrent
à partir de l'été 94 sous l'impulsion d'un gentilhomme
normand, Puisaye, qui établit le lien avec le Comte d'Artois,
frère du défunt-Roi. La chute de Robespierre marqua une
période d'apaisement, la liberté des cultes fut rétablie,
mais les chefs chouans voulaient poursuivre la guerre.
La
deuxième chouannerie (1795 - Quiberon - 1796)
Le
27 juin 1795 débarqua à Quiberon une armée de plus
de 5000 hommes transportés par la flotte anglaise rejointe par
les nombreuses hordes chouannes. Les troupes du général
Hoche décimèrent aisément cette armée hétérogène
au commandement divisé (2000 morts, 5 à 6000 prisonniers,
750 condamnés à mort).
Après
ce désastre, une paix éphémère ponctuée
d'actes de guérilla sporadiques autour de chefs bien implantés
comme Cadoudal, fut suivie d'une reprise des combats en 1797, lorsque
les monarchistes modérés, qui venaient d'emporter les
élections, furent renversés par Barras soutenu par Buonaparte
(coup d'état du 18 fructidor).
La
troisième chouannerie (1797 - 1799)
Les
persécutions religieuses reprirent avec vigueur, les réfractaires
furent déportés. Cadoudal organisa la rébellion
en Bretagne, Maine et Normandie, soutenue par une population exaspérée.
Les hordes chouannes furent encadrées par des officiers nobles
qui en firent une véritable armée, coordonnant les actions,
définissant une stratégie : prendre les villes en direction
de Paris (Nantes, Le Mans...). Le retour de la conscription en 1799
favorisa encore l'adhésion des populations. Mais l'arrivée
de renforts républicains puis le coup d'état de Buonaparte
et sa politique de fermeté mirent un terme à la chouannerie.
Après avoir échoué à Vannes en octobre 1799,
Cadoudal signa la paix avec le général Brune le 14 février
1800 à St Avé (château de Beauregard). Mais cette
paix ne fut pas respectée par les républicains.
L'arrestation de Cadoudal
La
résistance de Cadoudal
Après
ses rencontres avec Buonaparte, Cadoudal qui avait refusé les
grades que le Consul lui offrait, s'embarqua pour l'angleterre pour
y chercher du soutien puis revint continuer ses coups de main et attentats
dans son fief autour de Locoal (voir les annecdotes rapportées
par M. Herrieù sur les séjours de Cadoudal à Locoal),
avant de revenir à Paris où il fut arrêté
avec une douzaine de ses fidèles pour avoir comploté avec
Pichegru contre Napoléon. Refusant la grâce de Napoléon,
il fut exécuté le 25 juin 1804 en place de Grève,
après avoi prononcé ces paroles : "Mourons
pour notre Dieu et notre Roi", reprenant la devise des insurgés
vendéens ; son corps fut jeté aux carabins. Ses
descendants furent annoblis par Louis XVIII et sa ferme de Kerléano
fut transformée en manoir. A proximité fut élevé
un mausolée.
- Lire
le texte de l'interrogatoire
de Cadoudal.
- Lire
une très intéressante biographie
de Cadoudal.
- Lire
une histoire des guerres
de Vendée sur le très bon site de Marie-Pierre Dubois,
avec notamment un biographie de Hoche et des principaux acteurs républicains
et vendéens.
L'exécution
de Cadoudal
En
représailles au soutien apporté par la population à
Cadoudal, Napoléon ordonna en 1806 le rattachement de Locoal
à la commune de Mendon, alors que jusqu'à présent,
Locoal était tournée de l'autre côte de la ria,
vers Sainte-Hélène et le pays d'Hennebont.
Le
mausolée de Cadoudal à Kerléano
Jean-Marie
Emery, dit Hermely
Né
au hameau de Fetan-Stirec, en Locmariaquer, le 3 octobre 1769, Jean-Marie
Emery était marin dans la flotte royale. Il rejoignit les insurgés,
d'abord chez lui entre Auray et Locmariaquer (il rencontra sa future
épouse, Guyonne Lemouroux, de Kerdreven, lorsqu'il se cachait
dans les combles de la chapelle du Plas-Kaer en Crach).
Il
fut très proche de Cadoudal dont il était l'un des lieutenants,
en charge notamment des liaisons et courriers. Cadoudal lui confia notamment,
pour préparer le débarquement de Quiberon, la mission
de convoyer les courriers et les fonds entre la Bretagne et l'Angleterre.
Ayant
survécu aux événements de la chouannerie, la Restauration
l'honora en le nommant Commandeur de la légion d'Honneur, Chevalier
de Saint-Louis et de l'Ordre Royal du Lys et en lui confiant le commandement
de la place et de la citadelle de Port-Louis.
Il
s'installa à Locoal au manoir de Kerguinen, où il mourut,
vénéré de tous le 9 octobre 1850, âgé
de 81 ans. Il est inhumé au cimetière de Locoal. Sa sépulture
disparut en 1928, mais l'abbé Herrieù retrouva sa tombe
en 1968 et y aposa une stèle de granit portant la devise des
chouans : "Doué ha mem Bro".
Meriadeg
Herrieù (et son père Loeiz Herrieù)
Les
paroisses de Locoal et Mendon ont eu le privilège d'avoir à
leur service pendant plusieurs années l'abbé Meriadeg
Herrieù (ou Henrio), érudit celtisant, auteur de nombreuses
méthodes de breton vannetais et d'un grand dictionnaire qui vient
de paraître. L'abbé Herrieù a beaucoup oeuvré
pour la défense de la culture bretonne et du patrimoine. L'un
de ses regrets est de n'avoir pu empêcher la démolition
du prieuré de Locoal.
Meriadeg
Herrieù est le fils du grand Loeiz Herrieù (1879-1953),
le "barde paysan", chantre de la langue bretonne, qui fut
de 1905 à 1944 le fondateur et directeur de la revue bretonnante
Dihunamb et l'animateur zélé du mouvement culturel et
littéraire breton en pays de Vannes.
Comme
la plupart des animateurs du mouvement breton, Loeiz Herrieù
a continué son activité pendant l'occupation et s'est
vu reprocher des propos, qui apparaissent choquants aujourd'hui (voir le réquisitoire
à charge sur un site qui prétend expurger la mémoire
bretonne). Mais nous retiendrons surtout son
combat pour la langue et la culture.
Photo
empruntée au site de Y. Jacob représentant, devant le
presbytère de Branderion en 1936 de gauche à droite Hervé
Herrieù, Loeiz Herrieù, Paul Yhuel, J.M. François
Jacob, et Gwenaël Herrieù.
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Lien vers le site de Yannick
Jacob qui recense les numéros de la
revue Dihunamb.
Logo de la revue Dihunamb !
(Réveillons nous !)
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